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Débats et Propositions

“Les conventions ruralité modifient-elles les dynamiques de restructuration des réseaux scolaires du primaire ?” par Éric FARDET

21/04/2021

Les conventions ruralité modifient-elles les dynamiques de restructuration des réseaux scolaires du primaire ?

 

Éric FARDET

Dans une période marquée par la recherche d’un nouvel équilibre entre la gestion des emplois publics et l’accessibilité aux services, le conventionnement est proposé comme une solution possible permettant la réorganisation des maillages scolaires et l’amélioration de l’offre à des services annexes. Les conventions ruralité, qui se situent dans cet esprit, montrent qu’elles sont dépendantes de l’adhésion des acteurs pour permettre des avancées significatives.

 

Mots-clés : École, convention ruralité, maillage scolaire

 

In a period marked by the search for a new balance between the management of public jobs and access to services, the principe of Convention is proposed as a possible solution allowing the reorganization of school networks and the improvement of the supply of ancillary services. This article show that they are dependent on stakeholder buy-in to enable significant progress.


 

Cet article a pour objet l’étude de l’incidence des conventions ruralité sur la réorganisation des maillages scolaires du premier degré. L’analyse repose sur la comparaison du nombre d’écoles publiques, privées, élémentaires, maternelles et spéciales entre les départements. Les courbes départementales présentées sont construites sur une base 100 débutant en 2010-2011 et se déroulant jusqu’en 2019-2020.

Ces conventions, qui sont généralement signées entre l’Etat et les collectivités départementales rurales, sont mises en œuvre à partir de 2014 dans le Cantal et les Hautes-Pyrénées. Ce conventionnement concerne potentiellement soixante-six départements métropolitains, classés comme ruraux. Il invite à renouveler le dialogue entre l’ensemble des acteurs locaux[1] pour ce qui concerne l’aménagement éducatif de leur territoire. Si cinquante-deux départements ont signé une convention ruralité entre 2014 et 2020, l’étude inclut quatre-vingt-six départements afin d’établir des comparaisons non seulement entre les départements signataires mais aussi avec des départements non signataires. Ces derniers sont essentiellement des territoires disposant d’une métropole régionale et ne font donc pas partie du panel des départements ruraux. Seuls, les départements de l’île-de France n’ont pas été observés dans ce travail.

Entre 2014 et 2020, quatorze départements ont non seulement signé une convention mais ont établi par la suite un ou deux avenants prolongeant leur convention initiale. Les trente-huit autres départements qui ont signé une convention, généralement triennale, n’ont à ce jour pas reconduit leur engagement.

L’évolution nationale du maillage d’écoles primaires montre une baisse de -8 % du nombre d’écoles sur la période analysée. Quatre groupes de départements apparaissent au regard du seul pourcentage d’évolution du nombre d’écoles.

Le premier concerne seize départements[2] qui présentent un écart supérieur à – 15 % entre leur nombre d’écoles en 2010 et en 2019. Ce sont des territoires qui se sont largement engagés dans la restructuration de leur maillage scolaire. Les plus dynamiques font apparaître une baisse située entre – 24 % et – 33 % ; par ordre décroissant, il s’agit du Calvados, de la Meuse, de la Haute-Saône et des Vosges.

[1] Elus, services de l’Etat et des collectivités, associations de parents, mouvements associatifs, organisation syndicales…

[2] Calvados, Meuse, Haute-Saône, Vosges, Hautes-Pyrénées, Lot, Jura, Yonne, Aisne, Dordogne, Charente, Nièvre, Somme, Haut-Rhin, Gers, Haute-Marne.

 

 

Figure 1 Évolution du nombre d’écoles des départements des académies de Reims et Nancy-Metz ; tous ces départements ont fait évoluer leur nombre d’écoles dans des proportions plus importantes que la moyenne nationale

 

Dans ce premier groupe se trouvent deux départements qui ont adopté, avant l’émergence des conventions ruralité, une politique volontariste de réorganisation de leur maillage scolaire (Meuse, Haute-Saône). La Haute-Saône dispose par exemple d’une convention de modernisation de son bâti scolaire depuis 1993. Ce document est signé tous les trois ans entre la préfecture, le département et la direction des services de l’éducation nationale. De fait, ce département n’est pas entré dans le cadre du nouveau conventionnement proposé et a poursuivi la politique publique partenariale installée de longue date : la construction de pôles éducatifs. Cette orientation correspond d’ailleurs aux objectifs des conventions ruralité : proposer des services périscolaires, améliorer la qualité et la fonctionnalité des bâtis scolaires, construire un maillage d’écoles pérennes au sein d’espaces subissant une décroissance longue des effectifs scolaires.

 

Figure 2 Évolution du nombre d’écoles dans les départements de l’académie de Besançon

 

Les autres départements de ce premier groupe ont, pour la plupart d’entre eux, signé une convention ruralité (Jura, Yonne, Aisne, Dordogne, Charente, Nièvre, Haute-Marne, Somme). Bien que le Calvados, comme le Haut-Rhin, ne se soit pas engagé dans un conventionnement départemental, il a retenu le principe de conventions signées à l’échelle intercommunale. Il est aussi le département métropolitain qui a le plus réduit son maillage d’écoles sur la décennie observée (- 33 %).

 

Figure 3 Évolution du nombre d’écoles dans les départements de l’académie de Normandie

 

Un second groupe réunit les 25 départements[1] qui ont restructuré leur maillage scolaire dans des proportions situées entre – 9 % et – 15 %, au-dessus donc de la moyenne nationale. Si, pour la plupart d’entre eux, la signature d’une convention départementale a accéléré le processus de restructuration de leur maillage scolaire, quatre départements ne disposent pas de convention ruralité (Manche, Bas-Rhin, Haute-Savoie, Pas-de-Calais). Ce point tient notamment au fait que ces départements ne sont pas considérés comme des départements ruraux : la démarche de conventionnement ne leur a donc pas été proposée par le ministère de l’éducation nationale.

L’exemple du Lot et des Hautes-Pyrénées (académie de Toulouse) ou de la Dordogne (académie de Bordeaux) permet d’illustrer la dynamique qui peut être apportée par la signature d’une convention ruralité. Ces départements s’écartent, entre 2015 et 2019, de la tendance qu’ils suivaient entre 2010 et 2014 et s’engagent dans une restructuration importante de leur maillage d’écoles à partir de la signature de leur convention.

[1] Doubs, Manche, Côte-d’Or, Meurthe-et-Moselle, Ardennes, Territoire de Belfort, Cantal, Côtes-d’Armor, Loire, Moselle, Saône-et-Loire, Bas-Rhin, Hautes-Alpes, Vienne, Eure-et-Loir, Orne, Morbihan, Aveyron, Eure, Mayenne, Lozère, Haute-Savoie, Pas-de-Calais, Savoie, Indre.

 

 


Figure 4 Évolution du nombre d’écoles dans les départements des académies de Toulouse et Bordeaux ; on distingue les dynamiques nouvelles qui s’engagent à partir de 2015 dans plusieurs départements (Lot, Hautes-Pyrénées, Gers et Dordogne

 

Des évolutions différentes sont constatées dans l’académie de Dijon. La Nièvre et l’Yonne, qui ont signé une convention en 2015 et 2017, vivent, à partir de 2017-2018, une période sans réorganisation qui suspend les dynamiques antérieures. Fortement touchés par la baisse de leur démographie scolaire, ces départements montrent une évolution de leur maillage qui est cependant légèrement supérieure à la moyenne nationale (- 10 %). Dans l’académie de Normandie, l’Orne, qui dispose aussi d’une convention, se trouve dans la même situation que la Nièvre et l’Yonne.

 


Figure 5 Évolution du nombre d’écoles dans les départements de l’académie Dijon

 

Le troisième groupe rassemble trente-neuf départements, dont treize n’ont pas signé de convention (Lot-et-Garonne, Landes, Vendée, Tarn, Tarn-et-Garonne…) et/ou qui n’étaient pas dans le panel des départements ruraux (Rhône, Seine-Maritime, Isère, Alpes-Maritimes…). Ils font évoluer leurs maillages dans des proportions inférieures aux chiffres nationaux (entre – 1 % et – 8 %). Pour les départements très urbanisés, la moindre réduction du nombre des écoles s’explique notamment par la dynamique positive de leur démographie qui compense les fermetures réalisées dans les espaces les moins denses.

Dans les départements ruraux qui subissent une décroissance de la démographique scolaire, le relatif statu quo est plutôt un indicateur des freins existants à la restructuration du maillage d’écoles. La mise en place d’une réflexion partagée en faveur d’un aménagement éducatif territorial y reste à construire. C’est le cas de la majorité des départements de l’académie d’Orléans-Tours et de Limoges.

 


Figure 6 Évolution du nombre d’écoles dans les académies d’Orléans-Tours et de Limoges

 

Enfin, un quatrième groupe rassemble les six départements restants qui se maintiennent entre 100 % et 101 % du nombre d’écoles décompté en 2010 (Var, Gard, Pyrénées-Orientales, Hérault, Bouches-du-Rhône, Corse-du-Sud). Rappelons que ces départements, hormis la Corse-du-Sud, ne font pas partie du groupe des départements ruraux. Précisons aussi que ces départements sont en croissance démographique et sont dotés, pour nombre d’entre eux, d’une métropole qui les rend donc attractifs pour les familles (INSEE, 2016). La Corse-du-Sud, bien que ne disposant pas d’une convention-cadre départementale, s’est engagée depuis 2016 dans la signature de conventions locales (Sartène, RPI de l’Alta Rocca).

Cette brève analyse du nombre départemental des écoles, un des indicateurs retenus pour quantifier l’effet des conventions ruralité sur le maillage scolaire primaire, montre que la signature d’une convention à l’échelle départementale n’est pas la modalité unique permettant d’engager une évolution importante du maillage des écoles. Il apparait notamment que la signature de conventions locales peut aussi permettre des avancées significatives. Cette solution particulière est quelquefois retenue lorsque qu’il est difficile d’obtenir la signature des instances du niveau départemental ou régional (Calvados, Haut-Rhin…). De plus, le regard porté sur l’évolution du nombre d’écoles permet de constater que 20 % des départements qui ont restructuré leur maillage en atteignant des pourcentages supérieurs à la moyenne nationale ne sont pas entrés dans la formalisation d’une convention ruralité. Enfin, l’existence d’une convention signée n’aboutit pas systématiquement à l’accélération attendue de la restructuration du maillage scolaire.

Cette étude présente cependant plusieurs limites. D’une part, elle se focalise sur l’évolution dynamique des départements durant une période de 9 années. Bien que cette période soit suffisante pour montrer l’impact des conventions ruralité, elle ne dit rien des évolutions antérieures de chaque département. Certains peuvent avoir engagé des restructurations importantes de leur réseau d’écoles entre 1960 et 2010 et enregistrer une diminution de cette dynamique durant la décennie 2010-2020.

D’autre part, l’étude montre leur évolution relative du nombre d’écoles entre deux dates mais ne fait pas apparaître le nombre absolu d’écoles dont dispose chaque département. Il serait intéressant de compléter l’analyse dynamique qui est proposée par une comparaison plus statique permettant d’examiner, par exemple, le nombre d’écoles par département en parallèle du nombre d’élèves scolarisés (départements scolarisant entre 10 000 et 20 000 élèves, entre 30 000 et 40 000…).

De plus, cette étude ne montre pas l’évolution démographique des départements en regard de l’évolution de leur nombre d’écoles alors que les écarts se creusent notamment entre les départements avec métropole et les départements les plus ruraux. Ce point doit, a priori, avoir une incidence sur le maillage d’écoles. Il peut aussi avoir une incidence sur le nombre de classes par écoles.

Enfin, le décompte du nombre d’écoles étant réalisé au niveau départemental, il ne rend pas compte des évolutions infra départementales. Certains départements peuvent avoir vu augmenter le nombre des écoles dans leurs espaces péri-urbains et, dans le même temps, avoir constaté une réduction du nombre d’écoles dans leurs espaces les plus ruraux. Les reconfigurations internes de chaque département ne sont donc pas visibles dans les courbes et les indicateurs retenus.

L’ensemble de ces informations permettrait d’avoir une compréhension plus fine de l’évolution des maillages scolaires en France métropolitaine. Une cartographie nationale serait un outil utile pour rendre visible, notamment, les coopérations qui existent entre communes pour la question du bâti scolaire (regroupements pédagogiques intercommunaux, prise de compétence sur la construction scolaire par les communautés de communes…).

L’idée qui a prévalu à l’émergence de conventions entre l’État, les collectivités départementales et, comme on le vérifie dans la plupart des conventions signées, les associations d’élus, consistait à faire exister un lieu d’échanges propice à la construction d’une vision prospective et partagée de l’aménagement éducatif des territoires. Il s’agissait de rapprocher l’ensemble des acteurs intervenant sur le temps de l’enfant (accueil périscolaire, extrascolaire, petite enfance, restauration, sport et culture, transport…) en sortant de la seule question du bâti scolaire et de la carte scolaire. Ce besoin nécessite d’être pris en compte quelle que soit la forme retenue (convention formelle, intégration dans le schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services au public – SDAASP, …), car la seule carte scolaire, modalité de gestion des ressources humaines de l’éducation nationale, n’apparait pas comme l’instrument le plus adapté à l’établissement d’une politique partagée d’aménagement du territoire.

 

 

Éric FARDET

IGESR

 

 

 

[1] Elus, services de l’état et des collectivités, organisation syndicales, associations de parents, mouvements associatifs…

[2] Calvados, Meuse, Haute-Saône, Vosges, Hautes-Pyrénées, Lot, Jura, Yonne, Aisne, Dordogne, Charente, Nièvre, Somme, Haut-Rhin, Gers, Haute-Marne.

[3] Doubs, Manche, Côte-d’Or, Meurthe-et-Moselle, Ardennes, Territoire de Belfort, Cantal, Côtes-d’Armor, Loire, Moselle, Saône-et-Loire, Bas-Rhin, Hautes-Alpes, Vienne, Eure-et-Loir, Orne, Morbihan, Aveyron, Eure, Mayenne, Lozère, Haute-Savoie, Pas-de-Calais, Savoie, Indre.

 

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