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Témoignages présidents de l’AFAE

1987-1993 : Présidence d’André Lafond

Naissance de l’AFAE

Je n’ai rejoint l’AFAE qu’en 1987 pour en assurer la présidence après Jane Fortunel (1978-1982) et Charles Toussaint (1982-1987). Lors de sa création en 1978, bien qu’affecté à l’administration centrale, je n’en ai perçu que quelques échos. Pour évoquer les circonstances de sa naissance, je ne dispose que de souvenirs vagues et incomplets.

Jusqu’en 1978 – date de sa suppression par décision ministérielle – la formation des personnels administratifs de l’Éducation nationale, dont celle des futurs inspecteurs d’académie et des futurs chefs d’établissement, était assurée par l’Institut national d’administration scolaire (INAS).

L’annonce de la fin de l’INAS suscita chez les nombreux intervenants (inspecteurs, chefs d’établissement, etc.) qui participaient à ses actions de formation, une déception et le souhait de prolonger d’une façon ou d’une autre, le travail de réflexion commencé dans ce domaine.

Or il se trouve que l’INAS avait entrepris un jumelage avec une organisation britannique responsable de l’analyse de la politique du management de l’Éducation au Royaume-Uni. Des collègues anglais, travaillant avec cet organisme, venaient de créer à Londres la « British Education Administration Society ».

Cette initiative donna l’idée à plusieurs de nos collègues, dont Jane Fortunel et Charles Toussaint, qui travaillaient avec l’INAS, de s’inspirer de l’exemple britannique et de créer en France l’Association française des administrateurs de l’Éducation (AFAE). D’où le « F » de AFAE !

Il ne s’agissait évidemment pas de s’engager dans des actions de formation, mais plutôt de poursuivre la réflexion déjà engagée sur les compétences managériales attendues des futurs chefs d’établissement, dans la perspective de l’évolution possible du statut des établissements : plus grande autonomie, nouvelles relations avec les autorités locales, etc.

D’une façon plus générale, l’idée était que la qualité et l’efficacité d’un système éducatif, qu’il s’agisse d’instruction ou d’éducation, ne dépendent pas seulement de la qualité des enseignants ou d’une bonne conception des programmes, mais aussi de l’organisation et de l’efficacité de son administration. Il est à noter que le premier colloque de l’AFAE, en 1979, avait pour thème : « L’administration, frein ou moteur du système éducatif ? », question toujours d’actualité.

Cela étant dit, il n’était pas question de s’en tenir à des spéculations théoriques, mais plutôt d’avoir une approche pratique, d’observer et d’analyser les évolutions souhaitables du métier de chef d’établissement, en fonction à la fois de directives ministérielles et de changements socio-économiques. À titre d’exemple, les travaux de l’AFAE (revue, colloques nationaux et régionaux) au cours des premières 25 années, accordent une large part à la conception, l’élaboration et la conduite du projet d’établissement ; à l’autonomie accrue des établissements y compris celle qui leur est consentie dans la gestion d’une partie des moyens d’enseignement ; à l’évaluation, interne ou externe, corollaire nécessaire de l’autonomie ; aux rapports nouveaux avec les autorités locales dans le cadre de la décentralisation, etc.

La revue

Lorsque je devins président, en 1987, l’AFAE éditait un bulletin réalisé dans des conditions précaires et peu pratiques, par les détenus de la Centrale pénitentiaire de Melun. Nous décidâmes alors de le transformer en véritable revue, d’en confier la réalisation à un professionnel parisien et d’opter pour une maquette plus claire et plus attrayante. C’est d’ailleurs encore la maquette de la revue actuelle, évidemment améliorée au fil des ans.

En même temps, fut créé un comité de rédaction, distinct du Conseil d’administration, ouvert aussi bien aux universitaires et chercheurs et aux hauts cadres de l’Éducation (recteurs, directeurs) qu’aux praticiens du terrain, en accordant la même importance à chacune de ces catégories.

Cette approche complémentaire permettait un enrichissement mutuel en évitant les pièges d’un excès de théorisation et d’un recours trop systématique aux témoignages du terrain toujours marqués du sceau d’une certaine relativité.

Bien évidemment, la revue se gardait d’aborder les sujets qu’elle considérait comme n’étant pas de son domaine, tels les programmes scolaires ou les méthodes pédagogiques.

L’implication internationale

Comme on l’a vu plus haut, la naissance de l’AFAE est liée à la création à cette même époque de la « British Education Administration Society ». En fait, le problème de l’organisation et du management du système éducatif était alors d’actualité dans de nombreux pays et des associations vouées à ce thème se créaient. L’idée apparut d’établir un lien entre elles. Ce fut sous la forme d’un « Programme européen de visites réciproques ». Chaque association nationale recevait chez elle, à tour de rôle, tous les deux ans, les autres associations pour leur présenter son propre système éducatif et les problématiques en cours.

La première réunion eut lieu à Berlin (RFA) en 1980, suivie quelques années plus tard d’une rencontre à Lyon et Grenoble organisée par Charles Toussaint sur le thème de « La déconcentration et la décentralisation en France ». Des associations jumelles se créèrent progressivement aux Pays-Bas, dans les pays scandinaves, en Irlande, en Espagne, au Portugal, puis dans plusieurs pays de l’Est européen dont l’Estonie, la Lituanie, la Hongrie, la Slovénie.

Ainsi l’AFAE se trouva au cœur d’un réseau européen qui lui permit d’entretenir des liens rapprochés et parfois très amicaux avec des chercheurs et des experts des problèmes du management des systèmes éducatifs. Au fil des ans, le « Programme de visites réciproques » se transforma en « Forum européen de l’Éducation », association internationale dotée d’une présidence tournante tous les deux ans et géré par un comité directeur. Son activité s’est poursuivie jusqu’à ces dernières années.

J’ai personnellement participé, avec une délégation de l’AFAE, aux rencontres organisées à Berlin (1993), Budapest (1995), en Norvège (1997) et au Portugal (1999).

Le premier secrétariat permanent

Lors de la création de l’AFAE, Jane Fortunel fit appel, pour assurer le secrétariat permanent, à un ancien officier reconverti dans le civil après la fin de la guerre d’Indochine, devenu enseignant au lycée international de Saint-Germain-en-Laye, qui venait de prendre sa retraite. C’était Paul de la Taille. Personnage haut en couleur, il assura le secrétariat avec vigueur et passion. Il fut aidé et complété dans cette tâche par Bernadette Satin, principal du collège Octave Gréard, qui mit une partie des locaux du collège à la disposition de l’AFAE, situation qui a perduré jusqu’à ce jour. Bernadette, par sa gentillesse, son empathie, son sens inné des relations, corrigeait ce que le personnage de Paul pouvait avoir parfois d’un peu rude.

L’un et l’autre se dépensèrent sans compter pour l’AFAE : Paul jusqu’à son décès en 1999, Bernadette jusqu’à sa retraite et au-delà des années 2000. C’est grâce à leur travail acharné que l’AFAE peut fêter aujourd’hui son quarantième anniversaire. Je tenais ici à saluer leur mémoire et à leur rendre hommage. Ne les oublions pas.

 

André LAFOND

1993-1999 : Présidence de Paul Ricaud-Dussarget

Au temps de ma présidence dans les années quatre-vingt-dix, l’AFAE s’adressait aux cadres du système et plus particulièrement aux chefs d’établissement et à leurs adjoints. A l’époque on découvrait « l’effet établissement », des batteries d’indicateurs apparaissaient pour mieux cerner le fonctionnement des établissements et les projets d’établissement devenaient la règle. Aussi, nos préoccupations tournaient naturellement autour des concepts de gouvernance, de pilotage, de management et d’évaluation. Notions assez nouvelles pour l’époque, sans doute toujours d’actualité, que nous abordions à travers les colloques nationaux et académiques et, bien sûr, la revue.

L’objectif était d’aider les cadres à habiter leur fonction, à prendre du recul par rapport au quotidien, à avoir une vision systémique des phénomènes et, de là, à acquérir des capacités d’anticipation. Cette participation à la formation des cadres a été largement reconnue à l’époque par le ministère et c’est à ce titre que nous avons obtenu un poste pour assurer le secrétariat de l’association.

Depuis, l’AFAE s’est ouverte plus largement à l’ensemble des acteurs de l’éducation, c’est sans doute une bonne chose ; on favorise ainsi l’analyse pertinente de situations complexes auxquelles chacun des acteurs se trouve confronté. Cela permet de découvrir voire de proposer des réponses appropriées aux problèmes qui se posent.

 

L’AFAE  se caractérise par trois traits qui me paraissent essentiels et qui font toute son originalité.

Elle est hors hiérarchie. On dira que ce n’est pas tout à fait vrai, que chacun conserve plus ou moins sa casquette, que les inspections générales sont très présentes dans le conseil d’administration, etc. Il n’en reste pas moins que l’ambiance dans nos colloques est très particulière, sans doute unique et qu’elle reflète bien l’aspect a-hiérarchie de l’association. L’AFAE doit rester ce lieu où chacun, quel qu’il soit, peut se retrouver et se sentir à sa place.

Elle n’a pas de message à promouvoir, elle n’est pas militante, elle n’a pas d’idées toute faites, bref, ce n’est pas un mouvement. C’est un espace de liberté où se côtoient tous les niveaux de responsabilité et se confrontent les diverses approches d’un même problème. Son mode d’action, c’est bien ce croisement entre action et réflexion, entre théorie et expérience. C’est ce qui en fait la richesse.

Elle a aussi une dimension internationale. Nous sommes trop souvent enfermés dans un cadre de pensée, dans une organisation que l’on n’imagine pas voir bouger ;  nous avons du mal à sortir de l’épure fixée par le système pour trouver des solutions originales et plus efficaces. S’apercevoir que, dans d’autres pays, les mêmes problèmes suscitent des approches et des solutions très différentes est extrêmement enrichissant ; il ne s’agit pas d’importer hors contexte des solutions toutes faites (encore qu’on pourrait le souhaiter parfois) mais d’aérer un peu notre esprit, de stimuler notre créativité et de nous rendre compte que l’univers des solutions est loin d’être fermé.

 

C’est à ces trois conditions, me semble-t-il, que l’AFAE restera ce lieu unique et irremplaçable qu’elle a toujours su être.

 

Paul Ricaud-Dussarget

1999-2001 : Présidence d’Alain Michel

L’AFAE de 1993 à 2017

Alain MICHEL

Mon témoignage de président de 1999 à 2001, actif au sein de notre association depuis 25 ans, vise à évoquer, sans nostalgie excessive, quelques moments marquants de mon vécu de l’AFAE, ainsi que des personnalités ayant contribué au fil des ans au rayonnement de l’association.

 

Mes premiers pas à l’AFAE (1993-1994)

J’ai découvert l’AFAE en 1993, alors que j’étais conseiller auprès de Claude Thélot, alors directeur de l’évaluation et de la prospective (DEP). Suivant notamment les dossiers internationaux, j’étais membre du comité directeur du CERI à l’OCDE et de la Commission française auprès de l’UNESCO. J’avais été chargé de la rédaction du rapport de base pour l’évaluation du système éducatif français,  et à ce titre amené à rencontrer André Lafond et Henri Dieuzeide, les deux vice-présidents du conseil d’administration de l’AFAE. Ils me proposèrent d’écrire un article pour le numéro 1993/2 de la revue Administration et éducation, qui portait sur le pilotage national et académique du système éducatif. J’écrivis à cette fin un article introductif théorique sur « Le pilotage d’un système complexe : l’Éducation nationale ». La revue se limitait alors à 91 pages et avait commencé sa transformation avec des articles plus nombreux et plus denses, et des notes de lecture rédigées notamment par deux proviseurs à la forte personnalité : Marguerite Gentzbittel[1] et Jean-Pierre Berland. Ce fut pour moi tout à la fois l’occasion de devenir membre de l’association, membre du conseil scientifique préparant le XVIe colloque national de 1994 sur le thème de « L’école dans son environnement », d’entrer dans le tout nouveau comité de rédaction de la revue et d’écrire un autre article pour le n° 1994/1 sur « L’éducation à la citoyenneté ».

 

Une participation croissante aux activités de l’association (1994-1997)

Ces premières responsabilités me conduisirent à connaître et apprécier plusieurs collègues membres du CA, notamment le président d’alors, Paul Ricaud-Dussarget, Michèle Sellier, Jean-Pierre Berland, David Parkes – que je revis souvent ensuite à l’Institut européen d’éducation et de politique sociale (IEEPS) – mais aussi, bien sûr, les piliers historiques de l’AFAE : André Lafond, ancien président, Bernadette Satin et Paul de la Taille. Peu après ma participation au colloque de l’AFAE en mars 1994 où j’animais la table ronde, je fus nommé IGEN et je développai mes contributions à l’AFAE, notamment par plusieurs notes de lecture, la coordination du n° 1994/4 sur les travaux de l’OCDE sur l’éducation, la rédaction d’autres articles pour notre revue, et la participation à la préparation et l’animation du colloque national de 1995. Cette même année 1995, j’entrai aussi au CA, tout en restant au comité de rédaction. Dans le cadre de la préparation au colloque de mars 1996 sur « L’école est-elle à l’heure de son temps ? », je rédigeai un article « Pour une stratégie systémique du changement » et plusieurs notes de lecture. Je garde un excellent souvenir de la table ronde de ce colloque que j’ai eu le plaisir d’animer, avec un casting de fortes personnalités : Robert Ballion, Dominique Peccoud, jésuite, secrétaire général du BIT à Genève, Yvon Robert, IGAEN et maire de Rouen, Jean-Pierre Soisson, maire d’Auxerre et Pierre Saget, alors secrétaire général du Conseil national des programmes et futur IGEN. Le programme de ce colloque 1996 incluait aussi une conférence d’Alain Boissinot, alors directeur des lycées et collèges, et du professeur Renaud Sainsaulieu.

 

L’antichambre de la présidence et le 20e anniversaire de l’AFAE (1998)

1998 fut un autre moment fort de l’AFAE : son 20e anniversaire. Il me revint de coordonner la préparation du XXe colloque national sur le thème « Sous le regard de l’Europe : forces et faiblesses de l’école française ». J’eus l’honneur d’animer la table ronde internationale à laquelle participèrent Walo Hutmacher (université de Genève), Alejandro Tiana (université de Madrid et futur secrétaire d’État), Hilary Steedman (London School of Economics) et Pierre Dasté (chef du service de l’IGAEN). Le programme incluait aussi une conférence de Walo Hutmacher et une autre de Claude Thélot (directeur de la DEP). Lors de ce colloque, je devins aussi vice-président du CA.

Dès le mois de juillet se tint la première réunion de préparation du colloque de 1999 sur le thème « Fractures sociales, fractures scolaires » pour lequel j’écrivis dans le n° 81 de notre revue (mars 1999) l’article « L’éducation en quête d’équité », les autres auteurs étant notamment Robert Ballion, Marie Duru-Bellat, Yves Dutercq, Claude Pair et Claude Thélot. Peu avant le colloque national, en mars 1999, j’intervins à un colloque régional de l’AFAE à Lille avec Anne Barrère et Dominique Schnapper.

 

Une présidence relativement brève mais très prenante (1999-2001)

Le colloque de 1999, qui coïncida avec mon élection à la présidence, à laquelle je succédai à Paul Ricaud-Dussarget, commença par une conférence introductive de Jean-Michel Berthelot (professeur à l’université de Toulouse), suivie d’une table ronde animée par Jacky Simon (IGAEN, médiateur de l’EN) à laquelle participaient notamment Robert Ballion et Catherine Moisan (IGEN), notre présidente actuelle. A cette occasion, j’avais préparé une bibliographie, exercice que j’ai renouvelé presque chaque année jusqu’en 2016.

Le thème choisi pour l’année 2000 était particulièrement passionnant : « Quel sens pour l’école républicaine au 21e siècle ? » La liste des auteurs du numéro 85 (mars 2000), que j’ai coordonné,  permettait de couvrir assez largement le sujet avec le recul historique nécessaire : Guy Coq, François Dubet, Philippe Joutard, Claude Lelièvre, Christian Nique, Claude Pair, Dominique Schnapper, etc.

A l’occasion de ce numéro, j’avais pensé utile de constituer aussi un comité scientifique de la revue, comme c’est le cas pour la plupart des grandes revues scientifiques. Ce comité international réunit des experts de l’éducation, parmi lesquels Robert Ballion, Norberto Bottani (OCDE), Françoise Cros (Université Paris V et INRP), Lise Demailly, Marie Duru-Bellat, Jean-Paul de Gaudemar, Claude Lelièvre, Christian Nique, Claude Pair, Dominique Schnapper, Claude Thélot, Alejandro Tiana et Bernard Toulemonde.

La dimension internationale de l’association se manifestait aussi par notre activité au sein du Forum Européen des administrateurs de l’éducation, alors présidé par André Lafond, et qui nous amena notamment en octobre 1999 à un programme d’études de cinq jours au Portugal, incluant des séminaires aux universités de Lisbonne et d’Evora. Il fut suivi d’un séminaire de trois jours sur la prospective de l’éducation (dont je fus le coordonnateur scientifique) organisé par l’OCDE, l’Union européenne, Futuribles, le ministère de l’EN et l’AFAE, à l’ESPEMEN à Poitiers… puis un colloque régional (académies de Nantes et Rennes)  de l’AFAE à Nantes ; toutes ces activités ont été évoquées dans la revue Administration et éducation.

Le XXIIe colloque national (mars 2000) sur « l’école républicaine au 21e siècle » fut un franc succès avec une conférence introductive d’Antoine Prost, une table ronde plutôt houleuse animée par Claude Pair avec Philippe Joutard, Claude Lelièvre et Henri Péna-Ruiz, et une conférence de clôture de Bernard Toulemonde, ainsi que 10 ateliers d’un très bon niveau de réflexion. En mai 2000, je participai avec Jean-Pierre Helt, membre du CA, à un séminaire de 3 jours à Zaragoza dans le cadre du Forum européen organisé par Juan Salamé, fidèle correspondant de l’AFAE en Espagne de 1999 à 2018.

Je terminai l’année en coordonnant avec Françoise Cros  le numéro de la revue sur le thème « Administrer pour innover » et en écrivant plusieurs notes de lecture sur ce sujet. Et déjà, nous préparions pour mars 2001 le XXIIIe colloque national sur le thème de « L’autorité au sein du système éducatif », ouvert par une conférence de René Rémond et clôturé  par une conférence de Jean-Paul de Gaudemar. La table ronde animée par Jacky Simon (IGAENR) réunissait André Legrand, Viviane Bouysse (future IGEN), Bernard Thomas (IGEN), David Parkes (membre historique de l’AFAE) et, last but not least, Lydie Klucik, proviseure, élue en 2000 membre du CA, et aujourd’hui rédactrice en chef ajointe de notre revue.

Ce colloque avait été précédé de trois textes introductifs publiés dans le numéro 89 (2001/1) de la revue et écrits par Marc Debène, Claude Durand-Prinborgne et Jean-Pierre Obin. Ce numéro que je coordonnais portait sur le thème de la GRH à l’Éducation Nationale, avec des articles de Philippe Claus, Pierre Dasté, Béatrice Gille, Juan Salamé, Jacky Simon, Bernard Toulemonde, et d’autres auteurs proches du terrain.

Je ne pouvais que m’investir fortemement dans la coordination du numéro suivant (2001/2) portant sur la thématique « Gérer, évaluer, innover », pour lequel j’écrivis l’article introductif « Évaluer pour piloter ». Ce numéro rassembla des articles d’Alain Mingat et Sophie Morlaix (IREDU), Philippe Bernoux (université Lyon II), Lise Demailly (université Lille I) et Yannick Tenne. Il comporta aussi un dossier sur le Forum européen des administrateurs de l’éducation piloté par André Lafond.

Ce numéro paraissant en juin 2001, soit après mon souhait de quitter la présidence de l’association en mars pendant le colloque national, pour des raisons d’emploi du temps surchargé, me permit de présenter mon successeur Bernard Toulemonde et de remercier tout particulièrement André Lafond pour son soutien constant et précieux ainsi que le rédacteur en chef de la revue : Guy-Roger Meitinger.

Je restai néanmoins membre du CA, du comité de rédaction et des comités scientifiques de pratiquement tous les colloques nationaux qui ont suivi…Je continuai également à produire des notes de lecture régulières : plus d’une centaine de 1993 à 2017.

 

Un engagement dans l’association jusqu’à aujourd’hui : quelques moments marquants

Après une année 2002 relativement en retrait, j’animai la table ronde du XXVe colloque national sur le thème des mixités, entre une intervention d’Agnès van Zanten et la conférence de clôture de Luc Ferry, alors ministre de la jeunesse, de l’Éducation nationale et de la recherche…J’entrepris également d’orienter mes activités au sein de l’association dans deux directions différentes : les partenariats – en particulier dans le domaine des relations internationales – et la revue.

Devenu en 2002 vice-président du CA de l’Institut européen d’éducation et de politique sociale, alors dirigé par Ms Jean Gordon, membre du comité de rédaction de notre revue, je commençai à développer une coopération entre AFAE et IEEPS qui prit en charge une nouvelle rubrique européenne et internationale dans notre revue. Début 2003, je coordonnai un numéro de la revue sur la réforme de l’éducation en Grande-Bretagne, en proposant comme auteurs les principaux acteurs de cette réforme que je connaissais personnellement. Les années suivantes, je contribuai surtout à développer les liens entre l’AFAE, les associations « Éducation et Devenir » et EPICE, ainsi qu’avec l’ESPEMEN où j’intervins plusieurs fois en tant qu’IG mais aussi représentant de l’AFAE.

Puis en 2006, Alain Warzée, qui avait succédé à Bernard Toulemonde, me demanda de devenir rédacteur en chef de la revue pour remplacer Guy-Roger Meitinger, nommé proviseur au lycée français de La Haye. De façon générale, la qualité des thèmes choisis et la qualité des articles a permis de développer et maintenir au fil des ans une image très positive de l’association. Je m’investis donc avec enthousiasme dans cette nouvelle tâche qui demande beaucoup de temps et de contacts pour trouver les bons auteurs et tenir les délais de parution…

Parmi les  numéros de la revue que j’ai coordonnés en tant que rédacteur en chef entre 2006 et 2008, je citerai

  • le n° 113 (2007/1) sur la mise en place de la LOLF (avec des articles notamment de J-R. Cytermann et J-P de Gaudemar),
  • le n° 114 sur « Parcours et compétences », qui suivait l’élection d’Alain Bouvier comme président du CA, avec une forte implication de Paul Quenet et Yannick Tenne, et des articles de Xavier Darcos, Jean-Paul Delahaye, Bruno Racine (alors président du Haut Conseil de l’éducation),
  • le n° 115 sur les actes du XXIXe colloque national intitulé « Réussites des élèves, performances des établissements » (avec des conférences de Georges Felouzis et de Christian Forestier),
  • le n° 116 (2007/4), pavé de 205 pages sur « L’élitisme républicain en question » avec des articles de C. Bébéar, A. Bevort (professeur au CNAM), D. Bloch, C. Boichot, J-R Cytermann, M. Debène, M. Duru-Bellat, J.-P. Delahaye, C. Lelièvre, M. Sellier, etc.,
  • le premier numéro de l’année 2008 sur la culture numérique et les réseaux, préparé en étroite coopération avec A.-M. Bardi et J.-L. Durpaire (IG), J.-F. Cerisier (université de Poitiers) et B. Cornu (CNED).

 

Fin 2008, après une participation au colloque régional de Dijon et la préparation du n° 120 (2008/4) de la revue, je quittai la rédaction en chef et c’est Paul Quénet qui prit le relais avec l’appui de Yannick Tenne comme adjoint. Je continuai néanmoins à participer activement au comité de rédaction, et mentionnerai les numéros de la revue pour lesquels ma contribution a été relativement importante :

  • d’abord, le n° 129 (2011/1), coordonné avec Evelyne Bevort (CLEMI) sur « L’école à l’ère du numérique,
  • puis le numéro 145 (2015/1) sur « Le ‘’choc’’ PISA ? » que j’ai coordonné avec Xavier Pons et qui m’a pris beaucoup de temps, notamment du fait d’un casting international nécessitant un important travail de traduction et de révision de certains textes.

 

Mon témoignage a beaucoup concerné la vie de la revue Administration et éducation car je considère qu’elle est la principale vitrine de notre association et le principal vecteur de nos réflexions. Enfin, je voudrais remercier tout particulièrement Alain Boissinot, Gérald Chaix, Paul Fayolle, Jean-Claude Rouanet et Michèle Sellier pour leurs nombreuses notes de lecture qui constituent une tâche un peu ingrate mais ont fortement contribué à l’intérêt de la revue.

Alain MICHEL

IGEN honoraire

[1] Marguerite Gentzbittel était proviseur du lycée Fénelon à Paris. Son livre, Madame le Proviseur, paru en 1988, avait inspiré la série télévisée éponyme.

2001-2004 : Présidence de Bernard Toulemonde

De 2001 à 2004, l’AFAE en mouvement(s)

Une série d’événements ont marqué l’AFAE de 2001 à 2004 : certains sont purement conjoncturels, d’autres impriment des orientations nouvelles à notre association.

Ce fut d’abord le grand ménage de printemps de nos locaux et de notre secrétariat. Une nouvelle assistante était recrutée et quelle assistante ! Anne-Sophie Bellœil, bardée de diplômes, débordante d’énergie, assistée d’un mari fin connaisseur des matériels informatiques, prenait en mains le secrétariat ; avec le concours de personnalités historiques de l’AFAE (Bernadette Satin, Geneviève Lecocq, Martine Safra, Jean-Marc Giovanetti….) et d’un jeune Inspecteur général en retraite, Claude Caré, le secrétariat faisait l’objet d’un dépoussiérage en règle et d’une remise en ordre. Des petites mains, avec un groupe de retraités particulièrement dévoués, apportaient une aide précieuse pour les envois en nombre, les rangements, etc…Bref, la maison tournait !

Ensuite, dans la lignée de la politique de l’AFAE, nous avons traité sans tabou, dans notre revue comme dans nos colloques, les questions actuelles et concrètes qui se posaient à nos adhérents. Certaines restent tout-à-fait d’actualité : l’exercice de l’autorité au sein du système éducatif (colloque 2001), les collèges et les collégiens, auxquels – fait inhabituel – nous consacrions deux numéros successifs de la revue, coordonnés par Claude Caré (2001/4 et 2002/1) ; le pilotage par les résultats (2003/2), la contractualisation (2004/4)…

Le colloque 2003 a constitué un événement par son thème, « Mixité(s) » mais aussi par une conférence de clôture donnée par le ministre de l’Éducation nationale lui-même, Luc Ferry. Quoique la révérence à l’égard des « autorités » ne soit pas le fort de l’AFAE, le ministre a conquis le public par une démonstration brillante sur la « querelle du peuplier » qui opposa Maurice Barrès à Gide à partir de 1898 à propos du roman de Maurice Barrès, Les déracinés : l’éducation a-t-elle pour finalité de « déraciner » , de dépasser les particularités et les identités pour construire un espace commun ou, au contraire, de « plonger dans les racines », de les prolonger dans le respect des différences ? Nous n’eûmes pas à regretter cette présence ministérielle, un honneur pour nous sans doute unique dans l’histoire de l’AFAE.

Le colloque de 2004 illustre, lui, un tournant : c’est le premier colloque annuel qui se tient en province. L’AFAE avait ses habitudes à l’INJEP, à Marly-le-Roi près de Paris, et une foule de bonnes raisons plaidaient pour qu’on y reste (sauf la cuisine…). Mais voilà, notre colloque devait porter sur « École et territoires, quelle décentralisation ? ».  Et le C.A. a voulu montrer l’exemple : notre colloque aura lieu à Lyon ! Il fut notamment marqué par une conférence d’ouverture d’un grand géographe également grand recteur, Armand Frémont, et par une conférence de clôture d’un ancien ministre et maire de Rennes, Edmond Hervé. Marqué aussi par un repas typique lyonnais dans la célèbre brasserie Georges !

 

L’habitude s’est installée, l’AFAE n’a pas eu à regretter Marly-le-Roi : chaque année, nous nous réjouissons de séjourner dans de grandes villes de France, grâce à l’hospitalité et au travail de nos sections académiques et avec le concours des collectivités locales. Nous allions ainsi avec bonheur les plaisirs intellectuels et ceux de la gastronomie locale,  les visites du patrimoine et l’immense joie de nous retrouver…

 

 Bernard TOULEMONDE

2004-2007 : Présidence d’Alain Warzée

Alain WARZEE : témoignage

 

 

Lors d’une réflexion menée en 2007 sous l’égide d’Alain Bouvier sur l’identité, les valeurs et les objectifs de l’AFAE, Alain Warzee s’était prononcé sur des questions dont certaines sont toujours vives au sein de l’association. Il nous a paru intéressant de reprendre ici des extraits de ces déclarations, pour enrichir un débat dont les réponses sont appelées à évoluer en fonction des contextes, dans une véritable démarche de projet.

 

 

[Autre] question […] : celle de l’élargissement à de nouveaux publics

 

Deux sous-questions : lesquels, et comment ?

La question de l’élargissement aux enseignants me semble réglée : c’est peut-être dommage, mais il faut valider et admettre le fait que nous sommes une association, pour les trois-quarts de ses membres, de personnels de direction, et que l’angle pédagogique ou le point de vue des disciplines et des didactiques ne fait guère recette parmi nos adhérents. Nous avions essayé, le temps d’un colloque (2005) consacré, pour le dire vite, à l’articulation, au sein des établissements entre « culture administrative » et « culture pédagogique » d’accueillir dans la table ronde et les ateliers (à titre de personnes ressources) d’assez nombreux enseignants – de qualité, d’ailleurs, et appréciés des participants ; nous avions fait également entrer au C.A, cette année-là, une jeune et dynamique enseignante de l’académie de Rennes… Las, le « greffon » n’a pas pris, et j’en ai pris mon parti : je pense que les préoccupations de nos lecteurs et adhérents ne sont pas celles qui pourraient retenir l’attention des enseignants, et que, de surcroît, l’angle pédagogique n’est pas forcément celui qui séduit a priori notre public : souvenons-nous du « bide » que tel numéro de la revue consacré à un thème pédagogique (l’enseignement des langues, pour ne pas le nommer) a pu  connaître…

Bref, s’il faut élargir l’audience de notre association – et je crois que c’est très souhaitable, et tout à fait possible –, c’est plutôt

  • en direction d’une part, de nos personnels d’encadrement qu’il conviendrait de faire un effort ; il est dommage par exemple que nous ne comptions pas dans nos rangs davantage d’IA-DSDEN, d’IA-IPR – au moins de spécialité « Établissements et vie scolaire » – et d’IEN : compte tenu des évolutions thématiques de fond évoquées plus haut, ils devraient être au premier rang de nos priorités ;
  • et en direction, d’autre part, de « nouveaux publics », personnels d’encadrement relevant des collectivités territoriales, d’abord, mais aussi de l’enseignement privé, de l’enseignement agricole, etc.

 

Comment ? Les deux modalités les plus directes et les plus efficaces sont sans doute les « Journées » ou actions académiques, et les colloques organisés en Région (exemples de Lyon, Caen, Rennes, Bordeaux, etc.). Reste ensuite à fidéliser nos nouveaux adhérents, ce qui est une vraie question : le « désherbage » annuel est de l’ordre de 250 /280 adhésions non renouvelées – pour la plupart compensées par de nouveaux abonnements, ce qui nous maintient depuis 5 ou 6 ans à un étiage de 1400 adhérents/abonnés.

 

Mais d’autres modalités, liées à l’utilisation des technologies de l’information, sont à essayer : nouveaux types d’information et de publicité, liens plus réguliers et personnalisés entre les adhérents et l’association, mise en ligne du SEF et d’articles de la revue, accès de la revue proposé à de nouveaux publics grâce à une plateforme informatisée (université de Poitiers), etc. Les groupes de travail récemment mis en place se pencheront sans doute sur ces opportunités nouvelles.

Je crois en tout cas que le passage au numérique devrait permettre à l’association de trouver de nouvelles réponses aux questions posées plus haut : qui et comment ?

 

 

Un mot sur la revue

 

            Il faut tout d’abord saluer le travail et l’engagement des rédacteurs en chef, qui ont depuis près de 20 ans maintenu le haut niveau de qualité de notre revue ; c’est celle-ci qui a constitué le principal élément de référence pour l’association, et l’outil essentiel de fidélisation de nos adhérents/abonnés. Le niveau et le rythme de publication impliquent un très gros travail, qu’il faut sans doute mieux partager. J’ai toujours pensé, d’autre part, que les numéros de ces dernières années étaient trop importants (et j’ai eu à ce sujet, d’amicales discussions avec notre cher Guy-Roger !!) : avoisinant parfois les 200 pages, et toujours d’une très haute tenue, mais ne laissant peut-être plus une place suffisante aux analyses de terrain, témoignages ou comptes rendus d’expériences proposés par les chefs d’établissement, ils sont peut-être d’une lecture trop lourde et exigeante pour certains de nos adhérents : je ne cherche surtout pas à critiquer quiconque, loin de là, mais à suggérer des raisons au déficit des 250 désabonnements annuels.

[Les…] chefs d’établissements apprécient de se voir proposer, régulièrement, des occasions de « relever la tête du guidon », de prendre le temps d’une lecture intelligente ; certains articles les sortent des tâches ou des tracas quotidiens, en tout cas peuvent leur donner un sens nouveau. Mais peut-être n’ont-ils pas le temps ni l’envie de s’absorber dans des lectures trop longues ou astreignantes : chaque dossier, si riche soit-il, ne devrait pas être traité par plus de 8 à 10 articles ; gardons la qualité, respectons le délicat équilibre tripartite qui définit la ligne éditoriale de notre revue (entre les contributions des universitaires et chercheurs, les voix « autorisées » ou institutionnelles, et les analyses et témoignages de terrain), mais essayons d’alléger un peu nos numéros trimestriels ; je crois d’ailleurs qu’Alain[1] a engagé des réflexions sur ce point.

 

 

Un dernier et rapide petit mot sur l’International

 

Nous faisons partie du Forum européen, dont l’association est d’ailleurs cofondatrice, et je suis persuadé que l’ouverture sur les comparaisons internationales, les politiques européennes en éducation, les évaluations OCDE, etc., intéressent nos adhérents et font d’ailleurs de plus en plus partie de leur culture professionnelle : je suis frappé de voir, dans les académies, les programmes d’ouverture européenne des politiques académiques, et l’écho que les projets COMENIUS, SOCRATES ou autres suscitent au sein de nombreux établissements.

Donc l’ouverture internationale en éducation est manifestement un thème porteur, et devrait être un sujet d’intérêt tout particulier pour une association comme la nôtre. J’en étais déjà persuadé il y a plus de trois ans, quand je suis devenu président de l’AFAE ; je me disais que l’international pouvait être un levier d’ouverture et de développement de l’association, et qu’une action dynamique au sein du Forum[2] permettrait d’avancer sur ce thème. Je ne reviens pas sur ce que nous avons essayé, et modérément réussi : sur l’absence de tout « retour » de la part du Forum, sur le relatif échec, également, du numéro de la revue consacré à « L’Europe de l’éducation et de la formation », etc.

Bref, nous avons « formellement » maintenu nos relations avec le Forum : nous payons nos cotisations, Hélène Perrier[3] a été nommée trésorière du Steering comittee[4] et tient les comptes du Forum, nous avons reçu les réunions annuelles du Bureau, etc., mais mise à part la présence de quelques membres de l’association aux visites bisannuelles (comme celle qu’avait – fort bien – organisée l’Espagne, il y a deux ans), on ne peut pas dire qu’il y ait eu un travail commun, ni que l’association ait retiré quoi que ce soit de sa participation au Forum européen pendant les trois années de ma présidence… Mea culpa aussi, certainement.

Je pense que la thématique de l’ouverture européenne et internationale est incontournable, désormais, que nous ne pouvons plus raisonner « en interne » sur la majorité des questions d’éducation posées actuellement ; mais cette question doit être traitée ailleurs et autrement qu’au Forum, avec d’autres acteurs, d’autres sources, d’autres partenaires. Le type de « relations » promu par un organisme participatif comme le Forum a sans doute fait son temps : il faut trouver des formes de travail ou des actions nouvelles et plus dynamiques.

Le Forum vient d’élire un nouveau président, dont les projets paraissent essentiellement bilatéraux, et germanophones : il est peut-être grand temps de suspendre une « coopération » dont nous ne retirerons vraisemblablement pas grand-chose, et de voir ailleurs, de se tourner vers d’autres partenaires et d’autres formes de travail (les actions régionales « transfrontalières » par exemple ?).

 

 

 

Alain WARZEE,

le 23/11/2007

 

[1] Alain Bouvier

[2] Le Forum européen de l’éducation : cf. les nombreuses contributions sur le sujet dans le n° 90 de la revue (2001/2), et en particulier l’article d’André Lafond, qui fait le point sur l’histoire, les activités et les objectifs du Forum

[3] Enseignante qui fut secrétaire de l’AFAE en 2004-2005.

[4] Le comité de pilotage du Forum européen

2007-2012 : Présidence d’Alain Bouvier

En 2005, quand Alain Warzee, président de l’AFAE, me proposa de me porter candidat pour être membre du conseil d’administration de cette association que je connaissais depuis longtemps et appréciais beaucoup, je ne savais pas que quelques mois plus tard, il arriverait à la fin de son mandat, qu’il ne souhaiterait pas le renouveler et qu’il proposerait au conseil de m’élire comme président, ce qui fut fait. Bien sûr, je lui avais donné mon accord.

J’aurai fait deux mandats. Ces six années de présidence m’auront permis de mieux connaître l’association, la diversité de ses membres, son fonctionnement, de découvrir ses problèmes, de l’orienter dans certaines nouvelles directions et d’en apprécier les premiers effets. Une rare chance m’a été donnée de disposer d’un temps suffisamment long, ce que je n’imaginais pas au départ.

En termes d’organisation, une association se distingue d’un établissement public ou d’un service de l’État. Elle repose sur l’adhésion de ses membres (mais en fait, adhésion à quoi ? Je reviendrai sur ce point), sur le volontariat (d’où une extrême lenteur de mise en œuvre des projets) et tient beaucoup à la convivialité des rencontres, très marquée à l’AFAE, ce qui ne va pas à l’encontre de la qualité des travaux menés, bien au contraire.

Dès le premier CA que je présidai, pour favoriser le travail en équipe, je fis approuver la composition d’un bureau élargi (alors non présent dans les statuts), composé des 2 vice-présidents, du secrétaire général, de l’agent comptable, du rédacteur en chef de la revue et de plusieurs chargés de mission avec lesquels les réunions se firent par conférences téléphoniques entre les conseils d’administration.

Les assistantes

Le départ de Valérie Tehio et l’arrivée de Carine Duvillé comme « assistante du président » (c’était l’expression de l’époque) ont immédiatement attiré mon attention sur le rôle ultra-précieux de l’unique permanente à qui tout revenait. Ce poste est un analyseur de notre association. Il est marqué par la solitude dans le travail, ressenti  à partir de la seconde année : la première passe très vite ! Il faut tout découvrir d’un monde complexe. Cela conduit les assistantes à ne rester guère plus de 3 ans, et encore pas toujours. C’est un redoutable problème pour la mémoire de notre association et la continuité de ses activités, organisées de façon très massée sur certains jours de certains mois. Enfin, avec mon élection, ce travail devenait encore plus solitaire pour l’assistante puisque je résidais en province.

Elle était alors payée par le ministère. En fait, par convention, un poste était mis à notre disposition depuis des années. J’appris très tôt que pour les associations cela ne se ferait bientôt plus et qu’en lieu et place, la DGESCO nous accorderait une subvention rediscutée annuellement, ce qui fut fait. Pourrions-nous dès lors conserver notre indépendance ? Si la première année la subvention couvrit presque le salaire en question, nous comprîmes que, d’année en année, elle irait en décroissant, que nous aurions à chercher d’autres ressources et qu’il fallait bâtir un nouveau modèle économique pour l’AFAE si nous ne voulions pas disparaître. Pour illustrer ce que cela signifie, je me souviens de notre surprise lors d’un jury de recrutement d’une nouvelle assistante : une candidate de qualité, professeur agrégée en fin de carrière, nous indiqua le montant de son salaire en précisant qu’il devrait être complété de l’équivalent des 6 HSA (d’agrégée) qu’elle touchait jusque-là ! Impossible pour notre modeste budget. Notre association dut quitter le monde des Bisounours et se lancer dans la vraie vie ! Nous maîtrisons cela aujourd’hui ; notre révolution financière est faite et réussie, merci Justin !

L’esprit de l’association

En 2006, la perspective des 30 ans de notre association nous incita à nous pencher sur son histoire. Nous organisâmes un séminaire interne pour repartir des intentions des fondateurs (plusieurs étaient encore vivants), de leur vision initiale, distinguer les principaux caps franchis et l’évolution dans le temps de nos sujets de préoccupation. Il fut clair que nous avions par nos réflexions souvent précédé et inspiré les évolutions majeures du système ; il fallait donc continuer dans cette voie. Notre « grand sage », Bernard Toulemonde, veilla à ce que rien d’important ne fût oublié.

Pour ce séminaire, nous eûmes la grande joie qu’André de Peretti (il avait alors plus de 90 ans) vînt enrichir nos échanges avec le talent que nous lui connaissons. Par la suite, Carine Duvillé obtint de lui une précieuse interview de plus de deux heures, qui mériterait d’être déposée au musée de l’éducation.

Parmi les points qui émergèrent de nos échanges, on nota la grande ouverture de notre association, qui rassemble d’anciens membres de cabinets de gauche et de droite, d’anciens recteurs nommés sous divers gouvernements, etc. Lors de nos colloques nationaux il est arrivé qu’interviennent sous des formes variées un ministre, un directeur de cabinet ou le DGESCO. Mais notre association tenait et tient encore à n’être ni inféodée à l’institution, ni en opposition avec elle. Elle se positionne un peu comme un think tank. Mais nous savons aussi que ce point qui nous réunit n’est pas suffisant pour mobiliser et entraîner l’adhésion.

Outre ces questions, je découvrais que nous étions face à une série d’autres problèmes à régler.

Curieusement peut-être, le premier concernait l’international, mais en fait l’Europe. Notre association avait été engagée par ses fondateurs dans la création d’une association européenne d’associations nationales. Au fil du temps, notre engagement réel n’avait fait que décroître malgré les colloques internationaux et les productions de cette association européenne. Surtout, on touche au nerf de la guerre : les règles financières, imaginées au départ pour que les pays les plus riches supportent les moins nantis, faisaient que nous étions devenus le principal bailleur de fonds, avec un accroissement régulier directement lié à notre démographie en augmentation. Ce n’était plus supportable par notre budget et cela ne pouvait qu’empirer. Il fallait donc nous retirer en douceur, de façon bien préparée, pour ne pas faire s’écrouler tout l’édifice : c’était le risque. De plus, nos membres fondateurs encore actifs ne voyaient pas cela d’un bon œil ; ils ne devaient pas se sentir désavoués par la jeune génération.

Je demandai à Roger-François Gauthier, vice-président, de prendre cette mission comme responsabilité principale, tout en faisant émerger au sein de l’AFAE une nouvelle politique plus active en matière de relations internationales. Le désengagement fut réalisé de façon satisfaisante, puis Roger-François créa et anima pendant plusieurs années un groupe de travail sur ces questions qui conduisit, plus tard, à imaginer le colloque de Strasbourg. Ce fut une grande réussite, à la suite de laquelle, un peu contre son gré j’en conviens, Roger-François accepta de me succéder à la présidence l’AFAE. Comment donc une page se tourne…

Notre association est ouverte à des éclairages internationaux via son excellente revue et ses colloques nationaux et régionaux. Cependant, à proprement parler, elle n’a pas de relations internationales ; après le colloque de Strasbourg le soufflé est retombé. Nous sommes seulement intéressés par quelques éclairages venus d’ailleurs. Est-ce simplement le reflet de notre culture administrative franco-française ? Le temps est sans doute venu de reprendre cette question.

Problèmes logistiques

Comme toute organisation, même modeste, notre association a besoin d’un matériel de secrétariat solide et performant. Ce fut longtemps le cas, mais à une époque moins complexe et moins évolutive. Les outils dont le siège disposait en 2006 étaient anciens, dépassés, difficilement modifiables, impossibles à lier aux nouvelles applications informatiques, sources d’erreurs et de confusions. Leur utilisation très laborieuse était le simple reflet des débuts de l’informatique et des bricolages savants d’alors. L’assistante passait l’essentiel de son temps à faire de vaines recherches d’informations et à corriger, corriger à nouveau et corriger encore !

Un audit rapide que nous avions commandité confirma cela. Nous n’avions aucune statistique fiable, ni sur les adhérents, ni sur les abonnés et, d’année en année, nous nous réjouissions de nombres extraits des ténèbres que nous citions à l’envi et, l’avenir nous le dira, qui ne correspondaient pas du tout à la réalité ! Enfin, nous ne savions rien de précis sur nos adhérents pour répondre à la légitime et lancinante question : « Qui sommes-nous ? ».

Sous la responsabilité de Nora Machuré, vice-présidente, nous avons alors entamé un long processus qui a conduit, par étapes, d’abord à renouveler et augmenter le matériel informatique, complété d’une photocopieuse performante, d’un téléphone moderne… Ceci fait, nous comprîmes que les applications elles-mêmes étaient à remplacer et qu’il fallait sortir d’un bricolage certes très sympathique mais inefficace.

Deux stratégies s’offraient à nous : la première, lente mais économique, en faisant appel aux ressources techniques de volontaires au sein de notre association, l’autre en nous tournant vers des professionnels garantissant le résultat et les délais, mais à des tarifs non négligeables.

Notre culture associative nous poussa à choisir d’abord la première solution, mais avec des succès lents et très partiels. En outre, les nouvelles nécessités techniques, notamment avec l’usage d’Internet, le développement de notre site et les productions numériques, évoluaient plus vite que nos lentes adaptations successives. L’écart entre le nécessaire et le réalisé se creusait. Les nombreux îlots de non-qualité rendaient l’ensemble défaillant et le système en place continuait à prendre une partie considérable du temps de notre assistante, pour des résultats que le conseil d’administration, à juste titre, trouvait insatisfaisants. Nous passâmes alors à une étape plus professionnelle, mais qui, en fait nécessita encore plusieurs années.

Aujourd’hui, avec l’arrivée de Catherine Moisan, ce long processus, typique du temps des associations, a abouti. En particulier nous connaissons enfin le nombre exact de nos adhérents, de nos abonnés, nous avons fait disparaître les redoutables confusions entre année civile et année scolaire (culturellement pas facile !). Nous savons aussi qui sont nos adhérents et nous pouvons donner aux régionales des informations fiables. Enfin, l’utilisation des outils numériques contemporains est possible, y compris sur le registre financier. Donc un lent mais spectaculaire progrès !

Les publications

Notre association était connue et appréciée par la qualité de ses productions : la revue Administration et éducation, le SEF (un remarquable succès, régulièrement réédité), et le site. Du plus classique au plus nouveau.

Notre revue vit et se développe grâce à ses rédacteurs en chefs successifs, tous de très grande qualité (Paul Quenet et Yannick Tenne, puis Françoise Martin Van Der Haegen et Lydie Klucik) et à son riche comité de rédaction. Il a de plus en plus accueilli en son sein des personnes de grand talent. Plus rare pour les revues en sciences humaines : les membres de ce comité viennent aux séances de travail ! En outre, ils contribuent à la veille bien nécessaire, aux échanges, et aident à la coconstruction de chaque numéro ; plusieurs sont simultanément en préparation et collent aux questions chaudes de la période, les sujets de l’année à venir étant arrêtés en conseil d’administration. On peut mesurer l’impact de la revue à l’usage important qu’en fait l’ESENESR.

Le succès du SEF s’est confirmé d’édition en édition, mais le travail de mise à jour de chacune allait en se complexifiant : comment conserver des éléments anciens qui éclairent l’histoire du système éducatif, tout en intégrant les nouveautés, nombreuses et bien nécessaires aux candidats qui préparent des concours (notre principal lectorat), tout cela sans faire un ouvrage dont le volume deviendrait monstrueux ? Faut-il le compléter d’une version numérique ? Ou même, pensaient certains, avoir seulement une telle version ?

Lorsque la question s’est posée en 2006, je vis là l’occasion de passer à une approche radicalement nouvelle : que nous ayons désormais une version numérique régulièrement actualisée et que la nouvelle édition papier, lorsqu’elle serait rendue nécessaire, se fasse de façon quasi automatique à partir de la version numérique existant alors. Ce principe simple fut accepté par le CA, mais sans qu’on en apprécie bien toutes les conséquences concrètes.

Une première version numérique vit très laborieusement le jour. Mais, pour dire vrai, les rapports à instaurer entre versions papier et numérique ne furent pas clarifiés et ce sujet est encore en train d’évoluer ; le chantier est devant nous… On retrouve là, une nouvelle fois, le temps des associations, mais peut-être aussi un effet de la culture « Éducation nationale » !

Le site de l’AFAE fut une autre histoire. Il existait depuis quelques années et l’assistante faisait des mises à jour lorsqu’elle en avait le temps, c’est-à-dire pas souvent. Ce site « à l’ancienne » n’était plus adapté et dégradait l’image de l’association. Nora comprit qu’il fallait vite prendre des initiatives, ce qu’elle fit d’abondance avec l’accord du CA. Au point qu’un jour je découvris presque par hasard que nous avions désormais deux sites ! L’ancien, devenu vieillot, était difficile à adapter aux usages contemporains, il en avait donc fallu un autre.

Aujourd’hui nous n’en avons plus qu’un (ouf !) et il devient, comme dans toute organisation contemporaine, une pièce essentielle, sans doute pas encore assez utilisée : les cultures professionnelles ne changent pas du jour au lendemain !

Les associations régionales

Notre association nationale ne serait rien sans l’implication de ses 30 régionales. Je compris vite qu’une extrême diversité régnait depuis les moins actives ou inexistantes, à celles qui se distinguaient par de magnifiques rencontres régionales. Les académies de Nantes et Rennes sortaient du lot par l’ampleur de leurs activités, ce sujet fut abordé plusieurs fois en conseil d’administration. C’est alors qu’un administrateur lança l’idée que chaque régionale pourrait s’organiser sur un mode associatif (avec autant d’associations que de régionales actives) et donc avec une très large autonomie financière. L’AFAE deviendrait ainsi une sorte d’association fédérale aux responsabilités limitées. Le débat fut lancé au sein du CA qui soulevait que, dans un tel schéma, le risque de faiblesse du responsable local serait grand face au recteur, au président de Région et aux autres autorités locales. D’où tiendrait-il sa légitimité ? Quelle serait vraiment sa capacité d’agir ? Comment serait-il choisi ? Qui préserverait l’identité de l’AFAE nationale ? Les questions se multipliaient et les discussions, bien nécessaires et qui durèrent plusieurs mois, risquaient de laisser des marques profondes et durables.

Je proposai alors en CA que l’on précise dans nos statuts le rôle et les responsabilités des régionales, qu’on leur garantisse selon certaines règles les moyens financiers pour fonctionner, de façon simple, rapide et non bureaucratique, en liaison directe avec notre agent comptable Justin Azankpo, et que nous créions un Conseil des régionales, réuni une journée par an par le président de l’AFAE accompagné de membres du CA. Cela fut voté à la quasi-unanimité, puis les statuts furent modifiés et Marie-Ève Thévenin fut chargée de veiller aux liens avec les régionales pour les développer. Ce Conseil, apprécié, s’est depuis réuni chaque année et beaucoup de régionales envoient deux personnes. C’est un excellent lieu pour des échanges de bonnes pratiques, notamment sur l’organisation de rencontres ou de colloques régionaux. Mais aussi pour éclairer et inspirer le CA.

Les colloques nationaux

Le colloque national annuel est pour l’AFAE le moment symbolique fort de ses activités. C’est le temps des retrouvailles et de la convivialité. Il est apprécié par tous. Il est organisé sur un format et un calendrier qui ne varient guère et selon une procédure bien rodée. Très tôt, courant mai, le CA choisi le thème et désigne un conseil scientifique ad hoc chargé de préparer les contenus qui seront, in fine, approuvés par lui.

Pendant longtemps les colloques se sont tenus dans les locaux de l’INSEP, dans l’académie de Versailles, dans des conditions que certains trouvaient un peu spartiates et de qualité déclinante. Nous décidâmes de tenter à nouveau l’expérience d’une organisation en province, à l’image de ce qui s’était fait à Lyon en 2004. Bordeaux proposa sa candidature qui fut acceptée car l’équipe locale était très solide et dynamique. Elle eut à travailler avec le siège, en liaison avec le Conseil scientifique. Elle était appuyée par le président de l’AFAE pour les contacts avec le recteur et les présidents de plusieurs collectivités territoriales à qui nous demandions un appui financier. Ce colloque fut une grande réussite et contribua à renforcer encore l’équipe locale.

Alors que certains membres du CA avaient vécu cet épisode provincial comme un simple intermède en pensant que les colloques suivants se referaient à l’INSEP, la satisfaction avait été telle que plusieurs académies se portèrent candidates pour accueillir le suivant ou celui d’après. Une nouvelle tradition venait de naître et depuis, chaque année, la nouvelle équipe locale tente de faire encore mieux que la précédente. La barre est aujourd’hui placée très haut ! Et lorsque l’académie de Versailles, à son tour, nous accueillit, cela n’avait plus rien à voir avec l’INSEP. Le temps avait fait son œuvre.

Ces colloques nous donnent l’occasion de faire le point sur une question vive en invitant les meilleurs spécialistes français et étrangers. En amont, la revue contribue à sa préparation sous des formes variables suivants les années, et les conférences du colloque alimentent un numéro construit en évitant l’ennuyeuse forme « actes du colloque » qui a peu d’attrait pour les lecteurs. Au contraire, il est enrichi par des appels à des auteurs supplémentaires ; en gros, c’est un numéro presque comme un autre.

Les noms de l’AFAE et de sa revue

Vers la fin de mon second mandat, la question du nom de l’association était toujours en débat. À l’époque, le deuxième « A » de AFAE signifiait « administrateurs ». Or les inspecteurs pédagogiques et a fortiori les enseignants et CPE ne se reconnaissaient pas derrière ce terme. Fallait-il changer le nom de l’association ? Toutefois, un consensus s’était établi sur l’importance de préserver l’acronyme AFAE, désormais connu et bien présent dans le paysage professionnel. Notre nouveau nom éventuel devrait exprimer un souci d’ouverture plus large que les seuls « administrateurs ». Lors de la dernière assemblée générale que je présidai, je proposai que le terme « administrateurs » soit remplacé par « acteurs ». Le vote à main levée fut largement positif et lors du CA qui suivit, la décision fut prise sans trop d’à-coups. Il avait donc fallu plusieurs années ; ainsi fonctionnent les associations…

Une autre question vive se posa également : le nom de la revue, Administration et Éducation, n’évoque pas l’AFAE et « administration », là encore, semblait devenu inadapté aux yeux de certains de nos adhérents. Nous eûmes donc à nouveau de ces débats internes dont raffolent les associations du monde éducatif ; mais il fallait vite trancher et le conseil d’administration décida, sagement à mes yeux, que le nom de la revue serait conservé, en particulier en raison de sa notoriété qu’il fallait précieusement conserver, y compris pour les moteurs de recherche.

Le rôle du président

Je n’ai rien dit de l’un des aspects du rôle du président tant il va de soi : assurer les relations avec le Ministre et son cabinet, surtout lors des changements qui sont fréquents, et avec la DGESCO. Son Directeur général[1] vint même lors d’un colloque national, en 2011, faire une conférence ; il exerce aujourd’hui de beaucoup plus larges responsabilités ! Cela me fut alors vivement reproché par certains. En fait, l’AFAE est une pépinière de futurs ou d’anciens ministres, de futurs ou anciens directeurs de cabinets, de futurs ou anciens recteurs… C’est le fondement de sa culture professionnelle spécifique, exceptionnelle, proche, disions-nous plus haut, de celle de certains think tanks. Elle est précieuse. Il faut donc la préserver.

Le président assure aussi les liens avec les différentes autorités au sein de l’académie où le colloque national est organisé, ainsi qu’avec des associations partenaires comme Éducation et Devenir ou les Cahiers pédagogiques, avec des syndicats, en particulier le SNPDEN, avec la Mission laïque française ou l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), mais là, disons-le, nous le fîmes sans un véritable suivi digne de ce nom pour ces deux derniers organismes qui, pourtant, nous étaient acquis et pouvaient beaucoup nous apporter. Je plaide coupable.

Je n’oublie pas les liens avec les médias, ou avec des entreprises privées (comme Microsoft), ainsi que le CIEP, l’ESENESR et le CNDP devenu Canopé. L’un des membres du CA, Renée Cerisier, fut chargé de négocier et suivre les accords passés avec ces trois dernières institutions.

Ces six années de présidence de l’AFAE auront été pour moi une période très enrichissante, humainement gratifiante et que j’ai beaucoup aimée.

Alain BOUVIER

 

 

 

 

 

[1] À l’époque, il s’agissait de Jean-Michel Blanquer.

2012-2013 : Présidence de Roger-François Gauthier

A-A : ce que dit un bégaiement

 

Roger-François GAUTHIER

 

Administrateurs mes frères ? Acteurs mes rêves ? Je crois que c’est pendant la courte période où je présidais l’AFAE qu’est intervenu un vote plutôt étrange au sein d’une association : son changement de nom… sans changement de sigle. Le second « A » de AFAE ne se déclinait soudain plus en « administrateurs » mais en « acteurs » ! Qu’une grosse association abandonne son signe de reconnaissance fondateur, consistant à rassembler des personnes impliquées dans la gestion de ce que la faiblesse de la pensée fait désigner du syntagme de « système éducatif français », pour lui préférer le substantif équivoque et mou d’acteurs (et non « professionnels », ce qui eût été une autre logique encore) et qu’elle le fasse en somme en catimini, sans changer son nom, c’est l’éloquence même !

Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Voilà du même coup l’AFAE soudain plongée moins en pleine rhétorique qu’en pleine métaphysique ! Je ne sais pas si ce changement de nom, volontariste et incantatoire, a illico entraîné l’afflux effectif dans les rangs de l’association des supposés bataillons de professeurs des écoles et des lycée qui piaffaient d’y entrer, ni même si les anciens ont pu craindre un de ces « remplacements de population » qui alimentent ailleurs de discutables fantasmes ; mais je me demanderais volontiers dans quelle mesure on ne peut pas voir dans cette hésitation, dans ce flou de l’auto-reconnaissance, un de ces charmes du paysage français, qui, moins souvent désigné par les guides que le roquefort ou le camembert, n’en préserve pas moins un goût tellement caractéristique.

D’un côté l’AFAE représente un collectif reconnu dans l’éducation en France, un capital de confiance que représentent à égalité la revue et le colloque annuel, mais d’un autre côté sa place est typique et son changement de nom sans changement de sigle montre que tout cela n’est pas simple. J’avais été frappé quand j’avais dû aller présenter l’AFAE à des ministres ou à des cabinets qui s’installaient de voir que nous étions en général connus, mais pas « reconnus » : je me souviens que lors des débats dits « de la refondation », plusieurs membres de l’AFAE étaient impliqués, dont l’auteur de ces lignes, mais que l’AFAE était ignorée, non convoquée, non citée. Et, recherchant les causes de cette tenue en lisière, j’ai aperçu deux spécificités, voisines, de l’AFAE : elle ne conclut pas et ne revendique pas.

Justement : dans ce paysage que nous connaissons, saturé de groupes et de personnes qui défendent leur intérêt, en l’habillant souvent du qualificatif de « général », et qui croient trouver à leur porte l’alpha et l’oméga de toute réforme éducative possible ; sur cette scène éducative française, si souvent bloquée par la survivance d’idéologies diverses d’autant plus néfastes qu’elles ne se pensent plus depuis longtemps, n’est-ce pas la grande qualité de l’AFAE que de tenter d’échapper à ces clivages ?

Je répondrais sans doute oui, et c’est pour ce motif que je renouvelle mon adhésion à l’AFAE, mais peut-être aussi en me demandant si quelques conditions ne pourraient pas accompagner l’amélioration de son positionnement :

  • éviter que le fait de ne pas vouloir se couler dans les clivages préexistants détourne l’AFAE précisément d’y mettre le nez, et d’aider tous les « acteurs » à y voir clair dans les idéologies en question, à regarder les monstres de près, pour en faire fondre l’apparence ;
  • moisson faite, dégager le bon grain de l’ivraie en n’hésitant pas sur quelques sujets à conclure. Pourquoi devrait-on à ce point craindre de dégager une « position » de l’AFAE ? Peut-être plus d’ « acteurs » nous rejoindraient-ils s’ils connaissaient le sens de la pièce qu’on joue ?
  • se demander dans quelle mesure le non-engagement de l’AFAE ne ressemble pas un peu trop parfois au « devoir de réserve » des fonctionnaires de l’encadrement que nous sommes trop majoritairement : là aussi réfléchir sur nos distances vis-à-vis de l’institution me semblerait une piste salutaire. Je ne dis même pas distance vis-à-vis du pouvoir politique, qui me semble à peu près respectée, mais de l’institution, de ses corps, de nos propres clivages et articles de foi. De façon taquine, je me demanderais si le jour où les présidents de l’association ne seront plus quasi systématiquement des inspecteurs généraux ne sera pas aussi celui où de nouveaux « acteurs » comprendront qu’en les invitant l’idée n’est pas de recruter des figurants.

Allons un peu plus loin : A-A, administrateurs/acteurs ? La question est bonne. Cryptée, mais bonne. Car il s’agit bien dans ce pays de tenter de surmonter le clivage majeur installé par l’histoire entre les personnels enseignants et l’administration de l’Éducation nationale. Ignorance, incompréhension, méfiance sont les ingrédients de base des rapports entre deux grandes corporations qui n’ont pas les mêmes référentiels et concepts et peuvent vivre au fond heureuses en s’ignorant et en s’évitant. Si on ajoute à cette fracture les survivances d’autres phénomènes à résonance nobiliaire au sein d’un appareil d’État qui n’a jamais bien compris que nous étions en république, on peut alors se dire que si l’AFAE veut inventer le concept œcuménique d’ « acteurs de l’éducation », elle doit prendre encore plus conscience du caractère tout simplement révolutionnaire de sa prétention.

2013-2016 : Présidence de Daniel Auverlot

La présidence de l’AFAE est un immense honneur qui m’a angoissé dès mon élection.
Cela faisait vingt-trois ans que je connaissais l’association. Je l’avais découverte quand j’étais au cabinet du recteur à Rennes, j’avais assisté à des colloques nationaux et la richesse intellectuelle, le bonheur de réfléchir ensemble, le fait de se sentir fort de valeurs partagées me rendaient heureux quand je rentrais chez moi. Aussi, lorsqu’on me sollicitait pour animer des ateliers, j’en étais très honoré. Alain Bouvier m’a ensuite demandé d’entrer au CA. J’ai accepté avec joie. Parfois j’écoutais d’une oreille distraite ce qui s’y disait, parfois mon travail d’IA-DASEN me conduisait à manquer ou à sortir en pleine réunion. Je me le suis reproché ensuite.

 

Une seconde de bonheur d’être élu président, tellement l’AFAE a de valeurs qui sont les miennes, et ensuite trois ans où la nuit il m’est arrivé de me réveiller, parce que je craignais pour l’équilibre financier. Mais Je n’étais pas seul. Quand on est président de l’AFAE, surtout en occupant en même temps une activité professionnelle, on ne peut pas travailler en solitaire ; les vice-présidents ou présidentes, le secrétaire général, le trésorier forment une garde rapprochée sur laquelle j’ai pu m’appuyer constamment.  Quant à elle, la permanente au siège, professeur détachée, elle n’est pas une secrétaire, mais une vraie collaboratrice qui met en œuvre la décision. Naoual m’a accompagné trois mois, avant de partir de sa pleine volonté, Solène Bakowski lui a succédé. Professeur des écoles, elle cherchait une autre voie. Titulaire d’une licence de chinois, elle avait été concierge dans un hôtel quatre-étoiles à Paris. Je me suis dit qu’elle savait organiser, devancer, proposer, valoriser, être a l’écoute, tout retenir dans la discrétion et c’est exactement ce qui s’est passé. Son vrai métier était l’écriture, elle a publié des romans; quand elle a voulu quitter l’AFAE pour écrire à plein temps, je n’ai pas cherché à la retenir et j’ai été heureux pour elle. Qu’il me soit permis ici de lui rendre cet hommage.

 

Contrairement a ce que l’on pourrait croire, présider l’AFAE n’est pas en premier lieu une occupation intellectuelle, mais un défi permanent pour faire vivre l’association. La pérennisation de l’association passe par son équilibre financier et je tiens à remercier très chaleureusement Justin Azankpo, le trésorier, qui se dévoue avec tant de discrétion pour y parvenir. La mise en place du paiement par carte de crédit, la rénovation de l’application enregistrant les adhérents, les négociations avec le nouvel imprimeur, les rencontres avec la DGESCO pour la subvention donnée par le ministère, la quête de sponsors, la demande infructueuse de repeindre le siège, la réunion des correspondants académiques pour définir des stratégies de développement des adhésions, voilà le quotidien du président.

 

Il y a ensuite la revue, et son comité de direction; j’ai assez vite compris qu’il fallait laisser Françoise Martin Van Der Haegen et Lydie Klucik mener avec talent des débats qui parfois, entre gens de compagnie, exaltaient les passions. Elles accomplissent dans l’ombre un travail considérable et on leur doit en grande partie la qualité de la revue. L’AFAE n’a pas vocation à choisir une ligne politique : la confrontation des positions, des avis, des cultures, des métiers est un facteur d’enrichissement. Toutes les fois où l’on m’a demandé que la revue prenne une position sur tel ou tel sujet ou réforme, je m’y suis refusé, et je pense avoir bien fait. Notre association doit son succès à la façon qu’elle a d’élever le débat, ce serait pour moi une grave erreur que de la faire rentrer dans des prises de position sur des sujets semblant à l’instant importants, mais que le temps relativise rapidement.

 

La nouvelle édition du Système éducatif français fut aussi un grand moment de travail et de tension à cause des délais que nous nous étions fixés et des objectifs ambitieux que nous nous étions assignés : nous avons voulu en faire non pas une somme de connaissances, mais un lieu de questionnement et de problématiques essentiellement destinés à des cadres ou futurs cadres.

 

Les trois colloques de ma présidence furent des moments de grand bonheur et de grande angoisse, j’en avais souhaité les thèmes. A Versailles, « Peut-on réformer l’école? » donna lieu à  trois jours intenses qu’Antoine Prost, Claude Thélot, Pierre-Yves Duwoye, Alain Boissinot contribuèrent a éclairer. Mais que dire de ces chants vers minuit de tous les congressistes ensemble, alors que l’assemblée générale nous réunissait le lendemain à 8 heures? Le président que j’étais y a vu un moment de communion partagée, assez rare dans notre système, merci encore à celles et ceux qui l’ont organisé.

A Rennes, ce fut « L’autonomie pour quoi faire? » et je me souviens particulièrement des interventions du chef d’établissement anglais et du directeur d’hôpital : elle m’ont conforté dans l’idée que chaque colloque devait être l’occasion de comparaisons avec d’autres pays ou d’autres administrations. Je me souviens aussi de cette pièce de théâtre sans concession, sur la guerre en Tchétchénie, jouée avec un immense talent par des élèves d’option théâtre du lycée Bréquigny.

« Laïcité, intégration, éducation, la République et son école » se déroula à Nîmes, dans un département où la question du vivre ensemble se pose particulièrement. Nous y avons expérimenté une nouvelle modalité avec un numéro de la revue préparatoire au colloque. Au lycée Daudet qui nous a si bien accueillis, le questionnement de Jean Baubérot, profond et lumineux, a lance un colloque qui fut d’une très grande densité intellectuelle. En particulier les tables rondes avec les regards des religieux et des responsables d’autres services publics furent des moments de grande intelligence et de tolérance rare.

 

J’aurais aimé continuer ma présidence avec un deuxième mandat, mais mon activité professionnelle avait changé. Non pas que le métier d’inspecteur général laisse beaucoup de temps, mais il donne la liberté de s’organiser. Devenu sous-directeur à la DEPP, je ne pouvais plus me consacrer suffisamment à l’AFAE. La nouvelle présidente, Catherine Moisan, me demande deux semaines après son élection si j’ai une idée pour le colloque suivant. Le recteur Marois, dont j’avais été le proche collaborateur à Rennes, avait intitulé le projet académique en 1998 : « Ne laisser aucun élève au bord du chemin ». Il était tentant d’essayer de voir, vingt ans après, comment cet objectif pouvait se réaliser, dans un système éducatif dont toutes les études de la DEPP montrent qu’il peut, si l’on n’y prend garde, renforcer la marginalisation des élèves les plus fragiles socialement et culturellement.

 

Le colloque 2017 sur ce thème a été un immense bonheur pour moi. D’abord j’y allais comme simple participant. Je n’avais plus le souci de la logistique : chambres, repas, état des sanitaires, mauvaise humeur d’un sponsor dont le titre n’apparaît pas en assez gros caractères. J’y ai animé un atelier sur les compétences non cognitives dans la réussite des élèves avec des participants passionnés. Je savais que j’allais devenir recteur quatre jours après. Aujourd’hui, l’académie de Limoges que j’ai l’honneur de diriger est en train de  construire un projet dont le titre est aussi “Ne laisser aucun élève au bord du chemin” et s’appuie beaucoup sur les actes du colloque.

 

J’ai eu des échecs dans ma présidence : je ne suis pas parvenu à toucher assez le premier degré et l’université, ce qui faisait partie de mes objectifs. Je n’ai pas non plus réussi à élargir suffisamment le nombre d’adhérents, ni à faire remonter la subvention de la DGESCO. En tout cas ce fut une belle aventure.

 

Daniel AUVERLOT